Malgré l’annulation du festival, comme chaque année, la Toile Ludique décerne des récompenses à plusieurs jeux de société à l’occasion du festival Rennes en Jeux.
Nous avons décidé, cette année, de refondre totalement le modèle que nous avions jusqu’ici mis en place et vous découvrez aujourd’hui les premiers prix remis dans ce nouveau cadre.
Pour l’essentiel, le but de cette refonte était double : que ces récompenses soient le reflet de la pratique du jeu de société dans le bassin rennais et ses alentours ET que ces récompenses puissent aussi défendre les jeux de société comme étant des œuvres issues de l’esprit, des œuvres d’art, avant d’être des produits de consommation.
Nous espérons de tout cœur que celles et ceux qui s’y intéresseront de près retrouveront bel et bien ces deux objectifs comme étant au cœur de la démarche, malgré une année très particulière, ponctuée par la crise sanitaire que nous connaissons toutes et tous et, évidemment l’annulation de Rennes en Jeux 2022.

 

Prix de l’animation ludique

Les différentes structures adhérentes de la Toile Ludique qui se chargent d’animer divers jeux de société tout au long de l’année (associations, cafés jeux et ludothèques) remettront, cette année, plusieurs récompenses.
Ces prix de l’animation de ludique feront donc état des jeux ayant le mieux fonctionné, une fois les règles transmises, lors des diverses animations organisées par ces structures durant les années 2020 et 2021.
Les jeux doivent être sortis en France en 2020 ou 2021 (avec, cependant, une tolérance pour les jeux sortis dans la fin de l’année 2019).


Il y a 5 récompenses à décerner cette année :

 

Prix du jeu Enfant

Dragomino

de Marie et Wilfried Fort, illustré par Maëva da Silva et Christine Deschamps, édité par Blue Orange

 

Le prix du jeu Familial

L’empire de César

de Matthieu Podevin, illustré par Alexandre Bonvalot et Joëlle Drans, édité par Holy Grail Games et Synapses Games

 

Prix du jeu Initié

Unlock Legendary Adventures

de Cyril Demaegd, scénarisé par Mathieu Casnin, Marion du Faouët et Dave Neale, illustré par Olivier Danchin, Looky, Cyrille Bertin, Arnaud Demaegd, édité par Space Cowboys

 

Prix du jeu Expert

Dune Imperium

de Paul Dennen, illustré par Clay Brooks, Raul Ramos et Nate Storm, édité par Dire Wolf et localisé en France par Lucky Duck Games

 

Prix du jeu d’Ambiance

Top Ten

de Aurélien Picolet, illustré par une personne discrète et édité par Cocktail Games

 

Prix du jury

Définition des prix

Les prix du jury récompensent l’engagement social, politique ou environnemental mis en œuvre lors de la création ou la fabrication de jeux de société, mais également la volonté de dépasser la simple recherche de l’efficacité du divertissement ou de l’innovation mécanique – en somme, ce que les jeux de société apportent à la société en tant qu’objet culturel.
“ Objet culturel” est ici entendu comme une œuvre de l’esprit [matérielle (un livre) ou immatérielle (une chanson)] issue d’une démarche de création originale impactant le groupe social qui le reçoit, et répondant à une ou plusieurs fonctions identifiées par ce groupe. Pour le jeu de société, la démarche qui aboutit à l’objet jeu implique les processus de créations mécaniques et thématiques exprimés par l’auteur, mais aussi les processus éditoriaux : la définition de sa forme, de son fond et de sa fabrication. L’impact des jeux de société sur le public comprend par exemple les apprentissages sociaux, le développement de compétences individuelles, et l’évolution des représentations. L’une des fonctions traditionnellement identifiées du jeu de société est le divertissement.

 

Prix du jury, catégorie Autorat

A travers ce prix, le jury souhaite mettre en avant une démarche auctoriale consciente de l’impact du jeu de société en tant qu’objet culturel. Le prix peut être attribué à un auteur ou une autrice ayant la volonté délibérée d’exprimer des idées à travers ses jeux – par le biais de leurs règles et/ou de leurs thèmes.

Friedemann Friese

Friedemann Friese est un auteur allemand né en 1970, qui crée des jeux depuis le début des années 90. Il s’auto-édite grâce à sa maison d’édition 2F-Spiele. Auteur de plus de 80 jeux, sa production devient plus régulière à partir de 2002 et se révèle très éclectique, aussi bien au niveau des mécaniques que des thématiques. Il assume une direction artistique underground et décalée face aux codes actuels avec des partenariats renouvelés auprès d’illustrateurs privilégiés tels que Lars-Arn Kalusky et Harald Lieske.

Dans le cadre de ce prix, le jury souhaite récompenser Friedemann Friese pour sa démarche de création de jeux politiquement engagés, ancrés dans notre réel et parvenant à le questionner.
Fin 2020 sort Feierabend dans lequel il retrace l’effet des luttes syndicales sur le bien-être des salariés. Augmentation des salaires, des congés payés, diminution du temps hebdomadaire de travail… autant de combats sociaux que Friese aborde dans ce jeu de gestion, qui promeut que le bien-être passe par une vie équilibrée où le travail ne représente pas tout. Les mécaniques choisies permettent, entre autres, de questionner subtilement les joueurs sur les disparités salariales homme/femme.
Ce jeu fait suite à Futuropia, dans lequel l’auteur allemand défend le concept du revenu universel. Le jeu veut illustrer qu’en répartissant correctement le travail et les richesses produites, et grâce aux machines, il est possible de libérer du temps pour tout le monde afin de réaliser des activités épanouissantes (de la lecture aux jeux, mais aussi de la pêche au jardinage, en passant par la construction,…). Friedemann Friese propose un système économique simple permettant aux joueurs de créer leur lotissement « autonome » où le but est de réussir à libérer le plus de temps libre possible pour les habitants du lotissement. Le jeu insiste également sur le fait que ce système ne peut être viable qu’avec un impôt équitablement réparti.

La démarche de Friedemann Friese d’aborder des thématiques sociétales est ancienne : dès 1992, Friese’s Landlord propose d’incarner un propriétaire foncier dans une caricature sociale cynique. En 2005, avec Fiese Freunde Fette Feten il aborde la vie de monsieur et madame « Tout le monde ». Au travers de situations très variées, il fait vivre aux joueurs le parcours d’une vie, de l’adolescence à la retraite, avec ses joies, ses malheurs,… Le jeu permet d’évoquer des questions sociales très diverses, comme le divorce, le mariage homosexuel, le célibat des prêtres, les addictions… le tout traité avec un humour parfois trash, et au travers d’une mécanique originale. En 2010, il dénonce les dérives de la finance dans Schwarzer Freitag, puis en 2012 celles de la politique et des médias dans Fremde Federn.

 

Prix du jury, catégorie Edition

A travers ce prix, le jury souhaite mettre en avant une démarche éditoriale pour son engagement de production responsable, sa volonté de partenariat équitable avec les auteurs et autrices, et/ou sa volonté de développer et publier des jeux en pleine conscience de leur impact sociétal.

Jeux OPLA

Afin de récompenser l’ensemble de leur démarche éditoriale, le jury souhaite remettre cette année le prix catégorie Edition aux « Jeux Opla », maison d’édition lyonnaise créée en 2010 par Florent Toscano.

D’abord et avant tout, les Jeux Opla se distinguent depuis plus de dix ans pour leur volonté d’une fabrication éco-responsable allant bien au-delà des standards des labels actuels. Tous les composants des jeux Opla sont en effet produits en France à partir de matériaux d’origine contrôlée (encres végétales, bois issu de forêts gérées, etc.). Cette volonté de production responsable s’étend également à l’export, puisque leurs partenaires étrangers doivent également pouvoir éco-produire le jeu localement. Au-delà de leur impact écologique, les Jeux Opla souhaitent également par ces principes soutenir les économies locales. Enfin, en 10 ans d’existence, aucun jeu n’a quitté leur catalogue alors que la norme est davantage à l’appel de la nouveauté : une démarche éditoriale « durable », en somme, dans tous les sens du terme.

Par ailleurs, leur ligne éditoriale tend à dépasser le seul divertissement. Leur gamme Nature, sans être du serious game ni du jeu pédagogique, se veut une gamme de jeux de « sensibilisation » sur des thèmes liés à la préservation de la biodiversité et des milieux naturels. Afin de restituer leur thème au plus juste, ces jeux ont été développés en partenariat avec des spécialistes : la Ligue de Protection des Oiseaux pour Migrato, Arthropologia pour Pollen… qui contribuent au livret pédagogique inclus. De plus, les Jeux Opla démontrent une volonté d’agir en réseau avec d’autres médias pour informer sur ces sujets à l’instar des jeux Il était une Forêt, La Glace et le Ciel et L’Empereur, développés en partenariat avec Luc Jacquet, réalisateur des films documentaires éponymes.

En 2020, le jeu [Kosmopoli:t] est lui aussi issu d’un partenariat fécond en dehors de la sphère ludique, puisqu’il est le résultat de 4 ans de développement en collaboration avec le Laboratoire de Dynamique du Langage associé au CNRS. [Kosmopoli:t] permet aux joueurs de découvrir et de manipuler des langues parfois méconnues par la pratique d’un jeu coopératif familial : en somme, une réelle mise en jeu de l’ouverture culturelle au sens large par la diversité des langues vivantes.

Cette volonté de tisser des liens avec d’autres domaines de la culture se retrouve dans leur gamme BD : leurs jeux Lincoln se met au vert, Apocalypse au zoo de Carson City , Le Bois de Couadsous ou encore La Marche du Crabe ont tous été développés en étroite collaboration avec les scénaristes et/ou illustrateurs des bande-dessinées du même nom. Plus récemment, leur gamme Cartzzle propose de jouer des codes du puzzle classique par une délicate superposition de cartes, notamment autour de toiles de maîtres.

 

Prix du Jury catégorie Jeu

A travers ce prix, le jury souhaite mettre en avant un jeu (ou une gamme) ayant pour volonté d’exprimer une idée, susciter des réflexions (philosophiques, individuelles, politiques, sociales…) et/ou des émotions fortes, au delà de la recherche d’un divertissement efficace ou d’une innovation mécanique.

Gamme Cartaventura

Cartaventura est une gamme de jeux de Thomas Dupont et Arnaud Ladagnous, illustrée par Jeanne Landart et Guillaume Bernon et éditée par Blam!

La gamme Cartaventura est une collection de jeux narratifs au scénario immersif et aux multiples dénouements. En totale coopération ou en solo, les joueurs incarnent un personnage historique et développent leur aventure à l’aide de cartes proposant plusieurs actions possibles. Après un propos introductif, ils réfléchissent ensemble aux choix à faire en tentant d’anticiper leurs conséquences pour parvenir à l’une des fins proposées. Grâce à ce qu’ils auront appris, à leurs échecs parfois douloureux et en décidant de choix différents, ils pourront optimiser leur aventure au fil des parties et ainsi découvrir les autres fins proposées.

Les jeux de la gamme Cartaventura permettent d’explorer des époques variées (le sous-continent indien du début 20e, la Scandinavie médiévale, ou les Etats-Unis au 19e s. pour les trois premiers volumes), chacune retranscrite avec qualité et fidélité. Les joueurs plongent dans l’Histoire grâce à des scénarios riches, documentés et basés sur des faits et des personnages réels ou historiquement plausibles.
Les cartes sont illustrées à l’aquarelle par Jeanne Landart et Guillaume Bernon, en hommage aux carnets de voyage, et se déploient peu à peu sur la table au gré des choix des joueurs.
Un court livret pédagogique, rédigé avec l’aide de spécialistes des époques visitées, offre un complément d’informations sur leurs enjeux historiques et leurs problématiques sociétales.

A travers ce prix, le jury souhaite valoriser une gamme de jeux qui, à travers une mécanique simple (et déjà explorée notamment par les livres dont vous êtes le héros), aborde des sujets historiques et/ou moraux comme la recherche de la rédemption, la reconstruction personnelle, la recherche de la spiritualité, l’esclavagisme. Sans tomber dans le drame social ou le documentaire pédagogique, les auteurs proposent aux joueurs des choix conscients concernant les conflits nationaux ou religieux, l’acceptation de l’autre et de sa différence ou le racisme, en miroir des enjeux sociaux contemporains. Le jury salue également la recherche de la part de l’éditeur d’une fabrication locale en assumant la sobriété du matériel.

  
Membres du jury 2022
Christel Beneston, ludicaire à la boutique Sortilèges de St Malo, gérante de Breizh Escape et membre d’associations ludiques.
Xavier Berret, gérant de bars à jeux L’Heure du Jeu, co-gérant de l’espace de loisir Le Quart d’Heure, associé à l’ancien éditeur Playad Games, cofondateur et ancien président du Réseau des Cafés Ludiques.
Sarah Blaineau, animatrice et présidente de l’association rennaise Borderline Games.
Loïc Boisnier, juré pour le «Jeu de l’année» (2002), co-fondateur des associations Ludopathes Nantais et Toile Ludique Rennaise, ex-gérant des magasins TdJ à Rennes.
Tiphaine Facélina, ancienne ludothécaire, animatrice en café ludique et ludicaire, fondatrice de l’association Ludibli et 
co-gérante de l’entreprise d’animation ludique Fabulaire.
Henri Kermarrec, auteur de jeux, ancien président de la Société des Auteurs de Jeux, enseignant en game design, directeur artistique et graphiste pour le jeu de société.
Cathy Suignard, présidente du Groupement des Boutiques Ludiques et ludicaire à la boutique Le Lutin Ludique sur Dinan.
Alan Vallet, ludothécaire sur Rennes, membre du bureau de l’ALF Bretagne, formateur en culture ludique dans le champ socioculturel et fondateur du Prix du jeu de la Toile Ludique Rennaise.